Le vélo a connu un essor incroyable durant ces deux dernières années. Au-delà des problèmes de pénurie actuels, cette accélération pousse les acteurs de toute la chaîne à changer fondamentalement d’échelle en très peu de temps. Découvrons ensemble comment les fabricants de composants, les marques de vélo et d’accessoires et les distributeurs s’adaptent à cette industrialisation soudaine grâce à 3 regards experts : Adrien Lelièvre, journaliste aux Echos spécialisé en mobilité, Karim Slaoui fondateur des vélos connectés Cowboy et Patrick Guinard, président de l’APIC et fondateur de Vélox et Spécialité T.A..
L’accélération de la pratique du vélo
L’engouement pour le vélo
La pratique du vélo a augmenté significativement depuis 2 ans. L’effet Covid a changé la mobilité et accéléré les usages dans les grandes villes comme Paris ou Bruxelles, mais aussi dans des villes de tailles moyennes.
En 2020 en France, 514 000 vélos électriques ont été vendus, soit une hausse de 30 % en un an. On peut s’attendre à un dépassement de la barre des 600 000 achats en 2021.
Au-delà des ventes de vélos, les services autour de ce deux-roues se multiplient. On voit notamment apparaître :
- la location de vélo de fonction comme Azfalte
- le free-floating
- les vendeurs de trottinettes qui lancent leurs modèles de vélos électriques (Dott)
- les services d’abonnement au vélo électrique (Bloom, Swapfiets, Dance)
- la cyclologistique
Adrien Lelièvre estime que nous sommes encore au tout début de la vague et que de nombreux autres services vont voir le jour dans les 5 à 6 prochaines années, y compris de la part des fabricants de vélos.
Les consommateurs demandent aujourd’hui des services complémentaires en cas de pépin avec leur vélo (garanties, géolocalisation en cas de vol…).
Les éléments déclencheurs
- Les infrastructures déclenchent cette vague. Quand on facilite les conditions pour circuler, les individus adoptent plus spontanément la mobilité électrique.
- La prise de conscience écologique joue également pour un certain nombre d’utilisateurs. Ils se rendent compte que la voiture n’est pas si efficace en ville comparé au vélo.
- La vision du vélo est en train de changer : les gens se rendent compte que c’est bien plus qu’un loisir.
- Autrefois, les élus ne le considéraient pas comme un mode de transport à proprement parler. Aujourd’hui, ils sont prêts à l’encourager et s’aperçoivent de la demande des utilisateurs. Un baromètre a notamment été mis en place pour que les citoyens puissent noter la ville où ils habitent en fonction du développement des infrastructures vélos.
Les nouveaux enjeux industriels
Adrien Lelièvre voit trois conséquences industrielles à l’augmentation massive de la demande :
- Une véritable tension dans l’industrie du cycle avec des pièces compliquées à obtenir. Un vélo étant composé d’une centaine de pièces, il suffit qu’il manque le dérailleur d’un fournisseur et toute la chaîne de production est en décalage.
- La gamme des vélos électriques est en train de s’élargir.
- Des sous-segments émergent comme le vélo cargo et le long tail. On parle de vélos qui valent de 2 à 5 000 €, utilisés aussi bien par les particuliers que les professionnels. En 2020 en Allemagne, il s’est vendu 100 000 vélos cargos dont 80 000 électriques.
Certains grands groupes se développent mais de nouveaux acteurs continuent d’émerger comme Voltaire. Ils obtiennent facilement des fonds pour grandir : Vanmoof a par exemple levé plus de 100 millions de dollars.
Les services innovants autour du vélo
Aujourd’hui, les consommateurs ne se contentent pas d’acheter un vélo, ils veulent une offre clé en main. On voit des services de réparation de vélo émerger comme Cyclofix mais un tas d’autres services naissent pour améliorer l’expérience des cyclistes :
- Des solutions de stationnement sécurisées telles que Sherlock.
- Des couvertures assurantielles adaptées au prix croissant des vélos.
- Des acteurs du leasing et des constructeurs automobiles commencent à s’intéresser au vélo et forment des alliances avec des marques cyclistes.
Témoignage de Cowboy sur l’essor du marché
Cowboy est une marque européenne basée en Belgique. Or, le marché est plus mature en dehors de la France, en particulier en Belgique, Pays-Bas et en Allemagne. Leurs volumes étaient donc déjà importants et ils planifiaient avant la Covid19 une croissance assez forte.
Néanmoins, avec la pandémie, la supply chain a été écrasée par la forte demande et la faible capacité de production à ce moment précis.
Cowboy a développé son nouveau vélo, le V4, durant l’année 2020 et commencé l’industrialisation à la fin du premier quadrimestre 2021.
Les fournisseurs de rang 1, et même les suivants, avaient des problèmes d’approvisionnement de matières premières ou de ressources humaines. Ils ne pouvaient en effet pas ouvrir comme ils le voulaient.
Une industrialisation porteuse d’opportunités
Dans le monde
L’explosion du marché ne pouvait pas être anticipable avec la crise du Covid et a inéluctablement créé des tensions sur le marché de la fabrication du vélo. Ce phénomène a été valable au niveau mondial, même sur le marché américain jusqu’alors en déclin.
Aussi, l’ensemble des acteurs mondiaux ont eu des demandes à plus de 100 %. Cela a certes été difficile à gérer mais le business n’a jamais connu un essor aussi positif. Certains acteurs ont multiplié leurs ventes de 50 %.
En France
Le Covid a permis aux Français de comprendre ce qu’est la culture vélo. Les coronapistes ont révélé que si on donne les moyens au vélo de rouler en toute sécurité, les particuliers vont l’utiliser.
Côté industriels, une des problématiques est qu’une grande partie des pièces proviennent du marché asiatique. Les pouvoirs publics français prennent donc conscience de l’opportunité de redevenir leader sur le marché du vélo. Un député a été nommé pour étudier cette filière économique et son industrialisation. Parmi les pistes à explorer sur notre territoire : le vélo cargo, pour son volume et son adaptabilité.
En Europe
L’industrie européenne n’est pas la même que celle d’Asie, notamment en termes de technologies. Pour ramener toute la chaîne de production en Europe, il ne faut donc pas se baser sur les méthodes asiatiques mais sur les méthodes européennes, qui ont déjà fait leurs preuves sur le marché de l’automobile.
Par exemple, les usines d’électroménager Seb ont été transformées pour produire des vélos électriques. La branche automobile Bosch travaille désormais sur les moteurs vélos.
L’Europe a également une carte à jouer sur le marché du vélo électrique haut de gamme puisqu’il est difficile de rivaliser avec l’Asie pour produire du vélo entrée de gamme. Seul le Portugal arrive jusqu’à présent à proposer des vélos à des prix plus compétitifs.
À l’avenir, un marché de l’occasion va s’ouvrir et les vélos devront s’accompagner d’un carnet d’entretien pour amener une notion d’argus. Ils deviendront alors accessibles aux particuliers qui disposent de moins de moyens.
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