Dans ce webinaire, nous rebondissons sur deux actualités importantes de début 2022 : la publication du rapport du GIEC et les résultats du Baromètre des villes cyclables. Ces deux études nous permettent d’échanger sur les leviers qui s’offrent à nous pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et encourager l’usage des mobilités douces, et en particulier du vélo. Pour cela, découvrez les interventions de Claire Baritaud, sous-directrice Multimodalité Innovation numérique et territoire au sein de la Direction Générale des Infrastructures des Transports et Mobilités, et Thibault Quéré, responsable de la représentation externe et institutionnelle de la Fédération Française des Usagers de la Bicyclette (FUB).
L’impact du transport dans le réchauffement climatique
Le deuxième rapport du GIEC publié en février 2022 est sans appel et montre l’impact du réchauffement climatique sur la société.
Le premier rapport du GIEC sorti cet été faisait également un constat sans appel que nous ne pouvions pas éviter l’augmentation de 1,5°C en 2050.
Le lien est désormais clairement établi entre l’impact des émissions de gaz à effet de serre lié à l’activité humaine et le réchauffement climatique.
Les conséquences du réchauffement climatique
Le réchauffement climatique induit :
- la montée des eaux
- la fonte irréversible des glaces
- des fortes canicules
- une fréquence importante de pluies diluviennes, sécheresses et tempêtes
Une augmentation de 4°C induirait par exemple en France des étés à 50°C.
L’enjeu de réduction des gaz à effet de serre est donc capital.
Le rôle des transports et de la voiture individuelle particulière
Or, depuis 1990, tous les secteurs ont réduit leurs émissions de gaz à effet de serre en France sauf celui des transports. Il y a même eu une augmentation nationale de 9 % d’émissions de gaz à effet de serre.
Le secteur des transports est le premier émetteur de gaz à effet de serre avec une proportion de 31 % répartie comme suit :
- 94 % de ces émissions proviennent du mode routier
- 4,4 % est lié au mode aérien
Le transport de marchandises n’est pas le premier émetteur du mode routier. Pour plus de la moitié, il s’agit de la circulation de véhicules particuliers individuels.
La LOM, boîte à outil des territoires et entreprises pour répondre à cet enjeu
La Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) constitue une boîte à outils créée pour les territoires et les acteurs économiques. Elle veut offrir une mobilité alternative au véhicule individuel particulier thermique.
Le plan vélo
Tout d’abord, le plan vélo a été largement médiatisé et accompagné avec pour ambitions de tripler la part modale du vélo d’ici 2024 et de la quadrupler d’ici 2030. Cela correspondrait à 12 % de part modale vélo, une proportion déjà atteinte par les allemands.
La LOM a financé ce plan vélo à hauteur de 350 millions et permis plusieurs mesures telles que :
- le marquage vélo pour la sécurisation des deux roues ;
- davantage de place dans les trains pour les vélos ;
- des aires de stationnement près des gares.
Ensuite, le forfait mobilité durable est sorti le 9 mai 2020 afin d’encourager la mobilité durable et multimodale. Cela permet aux entreprises de rembourser les déplacements à vélo, en covoiturage ou d’autres services de mobilité partagée.
Depuis la loi climat et résilience de l’été dernier, il est possible de rembourser jusqu’à 600 € annuels avec un cumul transport collectif (sinon 500 € annuels).
Le deuxième baromètre forfait mobilité durable a été relancé début 2022 pour offrir des conclusions au printemps. Le premier indiquait une belle dynamique mais encore trop légère. La crise sanitaire a un peu freiné cette dynamique.
Récemment, un député a fait un point sur les entreprises du CAC 40 qui avaient mis en place le forfait mobilité durable :
- 39 % d’entre elles l’ont effectivement instauré ;
- 19 % envisagent de le faire.
Ces chiffres sont encore faibles étant donné la capacité des services ressources humaines de ce type d’entreprise à accompagner la dynamique.
L’incitation au covoiturage
La LOM a également permis d’encourager fortement le covoiturage, l’objectif étant d’évoluer de 3 % à 9 % d’ici 2024. Malheureusement, la crise sanitaire a engendré une chute de 40 %.
Toutefois, une belle reprise s’opère, peut-être soutenue par l’augmentation du prix du carburant.
Des plans d’infrastructures existent pour instaurer des voies dédiées au covoiturage.
Un hackathon citoyen a été mené en janvier 2022 avec la DREAL Bretagne et Rennes Métropole pour inciter au covoiturage. Les citoyens ont pris conscience de cet enjeu majeur qu’est le réchauffement climatique et des moyens entre leurs mains pour lutter contre ce dernier.
L’enjeu sociétal de la mobilité
Il est capital de convaincre et de mettre en débat la question des mobilités dans le quotidien. Cette dernière est souvent oubliée car on se concentre généralement sur ses activités du quotidien. Les déplacements ne constituent pas une activité en soi, même si justement les nouvelles mobilités peuvent changer la donne puisque :
- le vélo représente une activité de loisir ou physique ;
- on peut discuter lors du covoiturage ;
- on peut profiter des transports collectifs pour faire autre chose.
L’enjeu majeur est de permettre un usage alternatif au véhicule individuel mais aussi de développer une mobilité solidaire et inclusive. Certains n’ont pas la capacité de se déplacer et refusent des emplois de ce fait.
On peut penser que le véhicule électrique est une solution dans des territoires ruraux et donc le gouvernement a mis en place un plan d’implantation de 100 000 bornes de recharge électriques sur les axes routiers. Les entreprises sont invitées à déployer également cette solution pour poursuivre l’incitation.
Que pouvons-nous faire collectivement ? Nous sommes face à un défi qui doit s’incarner dans les territoires. La LOM est une boîte à outils. Chaque territoire a ses problématiques et donc besoin de solutions compatibles avec son territoire. Il y a une complémentarité entre la mobilité active, des services de mobilité partagée, des véhicules individuels électriques et des transports collectifs.
Le plan mobilité employeur (PME) est un vrai projet d’entreprise sur lequel les sociétés peuvent s’appuyer pour entrer dans une démarche qualité et un système de management environnemental. Le management environnemental est la clé pour mettre en débat avec les collaborateurs ce projet de mobilité, qui constitue une responsabilité sociétale mais aussi individuelle.
L’édition 2021 du Baromètre des villes cyclables
Principe de l’enquête
Le Baromètre des villes cyclables est une grande enquête organisée avec le Ministère des Transports et des mécènes privés. La population française est consultée, qu’elle soit cycliste aguerri ou non cycliste.
L’idée est de donner son ressenti à l’échelle locale pour pouvoir donner un diagnostic à ce niveau.
Cela permet à la Fédération Française des Usagers de la Bicyclette (FUB) de comprendre et analyser ce qui offre un climat favorable au vélo à l’échelle nationale. Cela ouvre des réflexions sur les actions nationales ou locales à mettre en œuvre.
Un record de participation et de couverture
Cette troisième édition du baromètre a eu lieu entre le 14 et 30 novembre et les résultats ont été présentés le 10 février à l’occasion du congrès de la FUB à Tours.
Le diagnostic a été établi sur la base d’un nombre record de 277 000 contributions, soit 50 % de plus que sur l’édition précédente datant de deux ans. Les participants se déclarent cyclistes à 90 %.
Un élément intéressant sur cette édition 2021 : en plus de l’augmentation du nombre de réponses, le nombre de communes couvertes a également été multiplié (+ 107 % de communes qualifiées, c’est-à-dire avec plus de 50 réponses).
Au sein des bourgs et des villages, on observe une surreprésentation des littoraux.
L’outil baromètre a adossé une cartographie qui permet de recenser les points à améliorer en priorité, les besoins en stationnement, les progrès.
Plus d’un million de besoins en aménagement et stationnement ont été recensés pour aiguiller les collectivités dans leurs actions pro-vélo.
Le profil des répondants se diversifie
Le public féminin est en croissance mais reste minoritaire : 46 % de femmes et 54 % d’hommes.
La pratique s’est aussi démocratisée, les personnes aux pratiques occasionnelles répondent de plus en plus. On retrouve en effet moins de :
- experts ;
- pratiquants du quotidien ;
- vélotafeurs
On observe aussi une démocratisation spatiale avec une croissance des communes de banlieue, des petites villes, des bourgs et villages.
Les grandes problématiques nationales remontées dans le baromètre 2021
Le baromètre nous rappelle que la France est encore loin d’être un pays cyclable. Près de 70 % des communes ont été qualifiées d’un climat défavorable au vélo.
La sécurisation des trajets à vélo
Problématique n°1 remontée : la sécurisation des trajets à vélo via une infrastructure confortable, séparée de la chaussée, offrant un sentiment de sécurité.
C’est par ailleurs un frein majeur à la remise en selle des 10 % de répondants non-cyclistes. Très largement, ils mettent en avant l’absence d’aménagements cyclables et le sentiment d’insécurité.
La question de la sécurité est également une préoccupation du genre féminin. Les femmes sont les principales prescriptrices de mobilité des enfants et donc plus tournées vers les questions de sécurité.
Le rapport aux autres modes de déplacement
La question du conflit avec le trafic motorisé est la principale source génératrice d’insécurité pour les cyclistes.
Une politique vélo ambitieuse passe donc par une réduction de la voiture, des sources d’insécurisation telles que les carrefours et rond-points.
La complémentarité avec la marche et les transports en commun est également pointée du doigt. Malgré les avancées de la LOM, le stationnement des vélos en gare reste compliqué à 60 %. Le conflit avec les piétons est également important dans le paysage urbain, notamment avec des aménagements datant d’une vingtaine d’années.
Les résultats du baromètre selon le type de territoire
Dans les petites villes, de 5 à 15 000 habitants
916 petites villes existent en France. 353 étaient qualifiées au sein du baromètre 2021.
Plusieurs point sont à remarquer :
- Il existe beaucoup de proximité avec la catégorie des bourgs et villages. Elles se rapprochent dans leur façon d’envisager la mobilité comme des villes de peu de densité.
- Pourtant, les attentes sont généralement plus élevées que dans les bourgs. Il est donc capital de traiter la question de la sécurité et du confort via les infrastructures.
- Les petites villes qui ont mis en place une politique de tourisme à vélo, telles que les communes du littoral de la Vélodyssée, sont celles qui sont les plus reconnues. Elles ont su se saisir de financements européens sur ce genre de projet pour créer une infrastructure cyclable de qualité. L’enjeu est désormais de transposer ces démarches pour le vélo utilitaire et quotidien.
Exemples types de commune au climat favorable : Saint-Jean-de-Monts en Vendée, Val-de-Reuil dans l’Eure et Marseillan dans l’Hérault.
Dans les grandes villes de plus de 100 000 habitants
Les grandes villes sont la catégorie la mieux notée du baromètre. Les politiques publiques sont plus ambitieuses et cela se ressent dans les réponses des usagers. Ce sont les têtes de gondoles du développement du vélo en France, notamment sur les questions d’efforts de la commune, services vélo (location, stationnement, réparation, achat).
Les réseaux cyclables sont plus qualitatifs. Les plans vélos font l’objet de davantage d’investissement et rejoignent ceux proposés par l’ADEME et la FUB. On est au-dessus de 30 € par an et par habitant dédié aux infrastructures cyclables.
Les problématiques de congestion du trafic, pollution de l’air, conscience environnementale poussent les grandes villes à s’engager dans cette transition mobilitaire.
En revanche, les conflits avec le trafic motorisé et la marche sont généralement plus denses.
En conclusion, la mobilité sur le territoire en France est un enjeu climatique et sociétal prépondérant. Des solutions doivent être mises en œuvre à toute échelle pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre et encourager le développement du vélo : prise de conscience individuelle, implication des entreprises, aménagement du territoire par les collectivités, soutien financier et législatif de l’État.